LE MBOGUI LIEU DU DIALOGUE

Publié le par Lusende Balossa

LE MBOGUI LIEU DU DIALOGUE

Le Mbongui est un espace de dialogue dans la société Mbantu1où les hommes et les femmes d’une société se retrouvent, afin de dialoguer et de résoudre les problèmes qui minent leur société, menacent la cohésion sociale ou qui peuvent avoir un impacte non négligeable la destinée de ce peuple.

Le Mbongui est le plus souvent, un grand Baobab, fromager ou flamboyant se trouvant au centre du village. Il peut également être un hangar aménagé, ou un simple lieu bien nettoyé et entretenu pour les dites circonstances.

Cette position centripète du Mbongui , n’est pas un fruit du hasard, il place le Mbongui dans un système d’analogie qui part de l’individu, pour atteindre l’universel. Il a pour objectif dans la transmission ésotérique de la connaissance et des symboles de placer l’homme au centre de l’univers auquel il doit évoluer par cercle concentrique :

l’homme, sa famille2 (maison : ndzo, Ndako), son clan,son ethnie, la société, le pays, la terre, le système solaire, le soleil( parole et lumière).

Il n’y a pas un acte de la société, qui ne puisse être résolue sans qu’il passe par le Mbogui, chez les Bantu. Mariage, décès, divorce, maladie, conflit, guerre, alliance avec d’autre village, marché…etc. Tout se décide au Mbongui.

La légitimité du Mbongui

Le Mbongui tire sa légitimité du droit coutumier, qui est la première source de droit. D’ailleurs aujourd’hui, alors que nos sociétés se modernisent et que nous avons adoptés pour nous autre Bantu, le droit occidentale, pour les pays qui ont été colonisés par les nations Européennes. Le Mbongui continue à exister au côté de nos tribunaux.

Celui qui va au Mbangui a la certitude qu’il trouvera justice, et dans nos villages, les populations continuent à faire plus confiance à cette voie, plutôt que le droit occidentale qui a tendance a devenir universel.

L’Usage de la parole

L’usage de la parole au Mbongui ne se fait pas de manière désordonné, il obéi à un rituel bien huilé et ce n’est pas n’importe qui a le droit de parler au Mbongui.

Seuls les Maître de la parole, Ma samba (Maître de la palabre) encore appelés Ndzondzi, Tuèrè ; ont le droit de parler sur autorisation du président de séance et suivant un rythme bien précis qui allie : usage de paraboles, adages, invocation des ancêtres communs, et des panthéons, références historiques. Magnificence, flatteries et congratulations de leurs interlocuteurs. Ceci afin de donner vie au cérémoniel, dont le but ultime est le nivèlement de la société et la restauration si besoin ait de l’ordre et de l’harmonie.

La parole ( Diambu, liloba), chez les Bantu est lumière, chaleur, verbe et vie, c’est le premier germe qui du chao, fit venir à l’existence la lumière.Le cérémoniel de la palabre est donc une répétition de cet événement ancien. Où du Chao, le démurge (Ntsé, Ndzambi, Nziami,Ndzambé, Nkulunkulu, Amma)fit venir à l’existence la parole, et à partir de cette parole créa un monde harmonieux.

Les Maîtres de la parole des deux groupes qui s’opposent dans une joute verbale (Ma Samba, Tuèrè, Ndzondzi) en libérant la parole de façon respectueuse, sans heurter, blesser, humilier. Permettent à travers leur joutes verbale de passer de la dualité, disharmonie, lutte des « contraires » biens et mal à rétablir l’unité qui est Dieu. Devenant ainsi à travers cette dualité l’unité et exerçant ainsi, le même rôle de le démurge.

Ils rétablissent la paix l’harmonie, donc la VIE.

Là où il y avait des récriminations, les rancœurs, la colère, le célibat, le deuil, le divorce, il crée, la paix, la réconciliation, la consolation, le mariage.

Le Mbongui peut ainsi se résumer au mouvement de la parole à travers la palabre qui va et vient entre deux groupes antagonistes, dont le but ultime est la transformation des uns et des autres, afin de les sublimer et les rendre réceptifs à la recherche du compromis. Qui une fois qu’il a été obtenu, permet à la société de retrouver son harmonie.

Le Président de séance, le Juge doit être impartial

Dans cette joute verbale, ce dialogue (dia=deux, logos=discours), le juge doit être impartial, et ne pas choisir de camp, car en réalité. Les deux camps qui en apparence sont opposés, sont en réalité les deux versants d’une unité causale, dont lui-même est l’incarnation corporelle. Est -ce le Dieu des Religieux, ou égrégore des initiés?

Il doit donc écouter, analyser, ensuite consulter ses conseillers. Afin de trancher et d’établir avec leur aide, la sentence à donner. Le but de cette sentence n’étant pas d’humilier un camp au profit d’un autre, mais de trouver la voie médiane, qui permet à la victime d’être restaurée dans sa paix intérieure à travers un dédommagement même symbolique. Et au coupable de reconnaître publiquement et de manière solennel sa faute, puis s’engager à ne plus recommencer et a dédommager la victime.

Ainsi agissaient nos anciens, ainsi nos sociétés vivaient en harmonie. Voilà la voie que doivent suivre les Bantus, c'est-à-dire ceux qui possèdent le kimuntu (la personnalité) ou encore le Umbuntu. Pour bâtir une société harmonieuse qui n’est que la perpétuation de l’ordre cosmique à l’infini..

Lusende BALOSSA

Clef :1. Bantu : les hommes 2.Famille : au sens bantu du terme : maison, Ndzo, yindzo, Ndako. O étant le cercle qui se referme sur lui-même, ou l’ourobos.

Publié dans Culture et Arts

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article