CONGO-B : PASTEUR NTUMI - LES ORIGINES

Publié le par CERBAC

LU pour vous!

 

LA CRISE DU POOL DES ORIGINES ET AUJOURD'HUI.

Zoom sur le Pasteur Ntumi que d’aucuns présentent comme un pion du pouvoir et d’autres comme un véritable opposant et rebelle.

Depuis la fin des combats dans le Pool, la version selon laquelle, le conflit armé dans ce département n’est qu’un montage du pouvoir, ne cesse de s’amplifier. Certains n’y vont pas de main morte pour affirmer que le Pasteur Ntumi est de mèche avec le Président Denis Sassou-N’guesso, sinon il aurait été depuis longtemps capturé. Pour éclairer la lanterne publique, nous remettons ici en lumière certains épisodes de l’histoire du début de la rébellion de l’homme de Soumouna, mais aussi, démontrons comment ce dernier a fait pour s’armer, en plus s’il a autant d’argent et de biens matériels que l’opinion lui attribue. Zoom sur un Pasteur que d’aucuns présentent comme un pion et d’autres comme un véritable rebelle.

Au sortir de la guerre de 1997, que Denis Sassou-N’guesso remporte face à Pascal Lissouba et Bernard Bakana Kolelas, une vaste opération de « nettoyage » est mise sur pied dans le sud du pays, fiefs des deux derniers leaders. Sur le plan institutionnel, la Constitution du 15 mars 1992 vient d’être abrogée, aucune institution ne fonctionne, bref, le pays est dans une situation de non Etat. Dans le Pool, les vainqueurs de la guerre de 1997 sont décidés à en découdre définitivement avec les résidus de la milice ninja de Bernard Bakana Kolelas. « Une milice pourtant créée par ce dernier avec l’aide du président Sassou-N’guesso, qui en était le principal financier et pourvoyeur d’armes, aux fins de déstabiliser le régime de l’ancien président Pascal Lissouba », croit savoir un ancien leader de l’alliance URD-PCT avec lequel nous nous sommes entretenu. A noter, « qu’au début de cette milice, le Général Pierre Oba et un certain Commandant Bakoua, deux hommes de mains de Sassou-N’guesso, étaient les principaux instructeurs des ninjas ». Quand Bernard Kolelas décide de soutenir Pascal Lissouba pendant la guerre de 1997, le divorce est consommé entre l’homme du marché Total et Sassou. D’où, « la décision de ce dernier, après victoire sur les forces de Pascal Lissouba, d’en finir avec la milice ninja », confie, sans aucune peine, l’ancien Directeur central du renseignement militaire, le Colonel Marcel Ntsourou. Pour ce faire, « certains ninjas sont froidement abattus et enterrés vivant dans les villages du Pool et d’autres incarcérés. Le commissaire de police de Kinkala, un certain Kamar, est cité dans ces exactions », se souvient une source proche du dossier.

Quand les anciens ninjas de Bernard Bakana Kolelas optent pour la résistance

Pour manifester leur indignation avec force, quelques Commandants ninjas, à la tête desquels se trouve un certain Pistolet (décédé), prennent l’option d’attaquer, dans la nuit du 23 au 24 août 1998, le commissariat de police de Mindouli où sont emprisonnés leurs collègues, qu’ils font libérer. Après une série d’actions menées par ces derniers, le nouveau pouvoir de Brazzaville ne désarme pas. Il poursuit sa traque des ninjas jusque dans leur dernier retranchement à savoir, une église située dans l’enceinte du ranch de la Louila (dans le Pool) et dont le Pasteur n’est autre que Frederick Bintsamou, alias Ntumi (qui signifie : envoyé). Le Pasteur Ntumi, puisque c’est de lui qu’il s’agit, initié aux arts magiques, quitte Brazzaville le 5 juin 1997 au moment du déclenchement de la guerre qui oppose Denis Sassou-N’guesso à Pascal Lissouba. Dans son exode, il se fait accompagner par sa famille et quelques malades mentaux qu’il a guéris (des témoignages existent). Après avoir fait halte dans certains villages du Pool, il trouve comme dernier abri, le Ranch de la Louila. Ce ranch, qui appartient à l’État, a fait faillite et a été abandonné par les travailleurs. Ntumi y trouve un lieu idéal de culte et de rites. Il s’installe tout d’abord au camp de la Louila centre, puis à Binionia. 

Une croisade pour capter les anciens ninjas de Bernard Kolelas

Quand Pascal Lissouba et Bernard Bakana Kolelas perdent la guerre, le 15 octobre 1997, comme dit plus haut, le Révérend Pasteur Ntumi, selon ses propres dires, est « visité par un Ange de Dieu qui lui annonce la libération du Congo et lui recommande de poursuivre les combats… ». C’est, semble-t-il, au nom de ladite visite de l’Ange que le Pasteur Ntumi, en lieu et place de ramasser les fous, décide de capter les ninjas. Dans la foulée de cette campagne menée pour créer un mouvement armé, il coopte également le groupe précité de ninjas qui brille par des actions commandos dans la région du Pool et qui a attaqué le commissariat de police de Mindouli, tuant le Commissaire en poste. A la Louila, le Pasteur Ntumi, qui connaît l’histoire de la résistance du peuple Kongo, et de ses héros pendant la période coloniale voire au-delà, parvient à radicaliser les anciens ninjas de Bernard Kolelas et aussi d’autres jeunes du pays qu’il captive et met dans ses intérêts. Pour y parvenir, « Ntumi utilise le magnétisme électrique et la suggestion hypnotique à travers le chant, la prédication et une cérémonie appelée « bieka » pour charmer et tenir ses adeptes en respect. Les entités de la nature (élémentaux), en particulier de l’eau et de l’air, sont déversés par lui sur les ninjas pour les animer », confie, sous-couvert d’anonymat, un ancien adepte de Ntumi, qui parle de ce dernier comme étant doté de mystérieux pouvoirs. Si les faits sont exacts, « on comprend aisément pourquoi les ninjas, parfois munis chacun de deux (2) ou trois (3) cartouches seulement de PMAK, d’une machette, d’une arme artisanale communément appelée ¨Djana¨, d’un lance pierre ou des couvercles de marmites (authentique), osent mener des offensives contre toute une armée équipée », argumente un chef de village du Pool, et non des moindres. « Ce sont donc ces anciens ninjas de Bernard Kolelas, ainsi que d’autres nouvelles recrues- que Ntumi a réussi à contrôler sur le plan spirituel -, qui forment aujourd’hui la milice appelée : nsiloulou », raconte-t-on à Brazzaville. Selon un traditionnaliste kongo que nous avions pris la précaution d’interroger, « le terme nsiloulou signifie : les promesses. Et dans l’esprit du Pasteur Ntumi, il s’agit des promesses faites au peuple kongo par les ancêtres et les dieux (nsiloulou za sisa ba mbuta ».

Des guerriers, sous la conduite et la protection de St Michel Archange, qui luttent pour déposer le Président Sassou !

Courant 1998, grâce à un ancien chef ninja, Capi Justin, adepte du Révérend Pasteur Ntumi et par ailleurs ami de certains généraux de Sassou, les services de sécurité, à la tête desquels se trouve le Général Pierre Oba, réussissent à infiltrer le milieu de cette église à la Louila. Des troupes, dirigées par le Commandant Obosso, y sont alors envoyées. Ce dernier, en même temps que Capi Justin, trouvent la mort lors d’une embuscade tendue par les ninjas à hauteur du village Ntari, la nuit du 5 au 6 décembre 1998 : c’est le début de la guerre dans le Pool qui culmine à l’entrée des ninjas-nsiloulou à Brazzaville le 18 décembre 1998. Selon les informations en notre possession, au moment où les ninjas-nsiloulou, munis de simples SKS et autres fusils de chasse, tendent l’embuscade aux troupes du Commandant Obosso à Ntari, eux-mêmes y compris le Pasteur Ntumi, sont à cent lieues de se douter qu’ils entreront à Brazzaville le 18 décembre 1998. Il en est de même pour l’essentiel des jeunes du Pool qui grossissent les rangs des rebelles à chaque village. L’idée de faire un come-back à Brazzaville leur vient à l’esprit lorsqu’ils constatent que les forces militaires acquises à Denis Sassou-N’guesso ne cessent de battre en retraite dans chaque localité du Pool. S’il est vrai, qu’en décembre 1998, la majorité de ces jeunes ne connaissaient pas le chef de la rébellion, il n’en est pas moins vrai qu’ils n’étaient pas du tout informés du mobile réel de leur prise des armes. A part, le ras-le-bol qui les animait tous et qui était dû aux mesures de répression engagées par les vainqueurs de la guerre de 1997 dans leur département. Ce n’est que plus tard que ces jeunes gens apprennent : « qu’ils sont des guerriers, sous la protection de St Michel Archange, qui luttent pour déposer le Président Sassou, après quoi le mouvement s’étendra au Gabon, en RDC et en Angola en vue de réhabiliter l’ancien Royaume Kongo » !!! Dans le même registre, le Pasteur Ntumi leur promet le retour au pays de Pascal Lissouba et Bernard Bakana Kolelas aussitôt que Sassou sera renversé à son tour. En outre, « il prescrit aux ninjas-nsiloulou, pour « l’efficacité » du combat et, surtout, pour les rendre invincibles, tout un rituel à pratiquer et des interdits à respecter scrupuleusement. Ntumi dit aux ninjas-nsiloulou : n’ayez aucune crainte face aux armes à feux et aux engins militaires, au contraire, à chaque fois que vous les apercevrez et entendrez leurs vrombissements, sachez qu’il s’agit là de l’accomplissement de la prophétie que l’Ange de Dieu nous a faite. N’oubliez pas que le salut de l’humanité est entre vos mains», explique un ex-milicien ninja, avant d’ajouter : « que le Pasteur Ntumi affirme jusqu’à ce jour que l’observation de toutes ses prescriptions rendent les ninjas immortels par balle. 

Le Pasteur Ntumi, durant tout le temps que dure sa rébellion, a quand même du fil à retordre pour mettre de l’ordre dans ses rangs. En effet, les nouveaux Commandants ninjas qu’il a pu mettre en orbite, lui jurent fidélité et acceptent de prendre part à la cérémonie dite « bieka ». En revanche, les anciens, ceux hérités de Bernard Bakana Kolelas, refusent et continuent, pour certains d’entre eux, à être, en secret, gérés depuis Brazzaville, soit par des officiers supérieurs, soit généraux proches de Sassou. D’ailleurs, ces derniers officiers généraux protègent certains anciens ninjas de Kolelas, qui décident de se rendre aux autorités à l’occasion d’un couloir humanitaire reliant le Pool à la capitale politique, frayé en 1999, pour permettre aux populations de regagner Brazzaville, et ce, pendant que beaucoup d’innocents sont enlevés au Beach de Brazzaville au courant de la même année.    

Bernard Bakana Kolelas prend attache avec le Pasteur Ntumi pendant la guerre de 1998

Le vendredi 18 décembre 1998, quand les ninjas font leur entrée dans la capitale congolaise, Bernard Bakana Kolelas affirme sur les ondes de RFI : « Mes ninjas contrôlent actuellement tout Brazzaville ! ». Tout laisse penser que ceux-ci agissent sous ses ordres ou du moins sous ceux d’un de ses lieutenants. Il n’en est rien. En vérité, le père fondateur de la milice ninja n’a aucun lien avec le chef de la rébellion qu’il n’a d’ailleurs jamais rencontré au cours de sa vie. Selon une information qui circule dans les milieux d’anciens ninjas de Kolelas : « pourtant détenteur d’un message de la part de Dieu, le Pasteur Ntumi se voit brutaliser et fermer les portes du quartier général qui mènent jusqu’au domicile de Bernard Bakana Kolelas, peu avant le début de la guerre de 1997 ». Information très importante, pendant la guerre de 1998, Bernard Bakana Kolelas prit attache avec le Pasteur Ntumi. Sur ces entrefaites, « une valise satellitaire, acquise par Kolelas à l’étranger, fut acheminée au Pasteur Ntumi, via les pays du Niari en début 1999 », affirme un proche de ce dernier. D’après une source bien introduite dans  les milieux nsiloulou, « la valise satellitaire que Kolelas père a offert au Pasteur Ntumi en 1999, est la même avec laquelle ce dernier continue à communiquer avec l’extérieur et les médias internationaux ».

Les promesses mirifiques de Bernard Bakana Kolelas à Ntumi

Un jour de début 1999, pendant que les deux hommes s’entretiennent via la mallette satellitaire, Bernard Kolelas dit à Ntumi : « au moment où nous avions fui les combats en octobre 1997, ma première nuit en tant qu’exilé à Kinshasa avait été très révélatrice. Dans un rêve, j’avais vu un brave homme se lever derrière nous pour faire face à Sassou. Décidément, ce brave homme, c’était toi ! ». Et Bernard Kolelas d’ajouter : « Mon fils, s’il y a un conseil que je dois te donner c’est celui de poursuivre la lutte et de ne jamais fricoter avec le Président Sassou, c’est une vipère (mpiri yena) ! ». Et comme à son habitude, Kolelas père entre en transe en pleine conversation pour donner l’impression à Ntumi qu’il s’agit là d’une mise en garde venant des esprits. Il n’en fallait pas plus pour que, « le fondateur de la milice ninja promette des armes et munitions de guerre au Pasteur Ntumi, un armement qui devait être parachuté, dans le Pool, par un avion militaire de type Dakota. Motivés, les ninjas-nsiloulou désherbent toute une savane à Kindamba, où  les lampes à pétrole des villageois sont réquisitionnées, en vue d’aménager et éclairer la piste sur laquelle atterrirait le fameux avion militaire ».

Selon notre source, Bernard Bakana Kolelas avait menti au Pasteur Ntumi. D’autant qu’après de longues journées et nuits d’attente, les ninjas-nsiloulou ne réceptionnent pas, même un chargeur de PMAK ou une seule grenade ! Au demeurant, qui aurait su à cette époque-là, que Kolelas, une fois rentré d’exil, finirait lui-même sa vie dans les bras du Président Sassou-N’guesso, autrement dit, de la « vipère », tout en niant catégoriquement d’avoir entretenu, à un moment donné de sa vie, des liens avec le Pasteur Ntumi ? Pire ! Jusqu’à sa mort, le patriarche fît tout pour n’être jamais aperçu en compagnie du Révérend Pasteur Ntumi et pour ne pas le recevoir. 

Comment les ninjas-nsiloulou ont fait pour s’armer depuis 1998 jusqu’à ce jour

De fait, les guerres fratricides que le Congo-Brazzaville a connues entre 1993 et 1997, ont laissé le pays dans une situation où les armes et munitions de guerre ne sont plus uniquement l’apanage des forces de l’ordre au Congo-Brazzaville. L’on peut dire sans se tromper, que depuis cette période, Brazzaville, les villages environnants, le Nord ainsi que les pays du grand Niari, sont construits sur des cachettes d’armes. D’autant que les opérations de ramassage d’armes initiées par le gouvernement, en partenariat avec les organismes internationaux, n’ont pas connu un grand succès dans le pays. Quand donc le Pasteur Ntumi forme sa milice dans le Pool, les anciens ninjas qu’il coopte sont tous armés et apportent chacun sa contribution au mouvement. Qui emmène un pistolet, qui une mitraillette, qui une grenade, qui une lance-roquette. C’est sans compter avec les nombreuses embuscades et défaites imposées à l’Armée de l’époque, lesquelles avaient permis aux ninjas-nsiloulou de tomber très souvent sur du matériel militaire de pointe. Le problème, raconte un ancien ninja, « faute de techniciens, c’est-à-dire, d’artilleurs formés, beaucoup d’engins militaires récupérés par les ninjas-nsiloulou n’ont jamais pu être utilisés sinon Brazzaville se serait exposée au pire ». Pourquoi se pose-t-on alors la question de savoir, qui a armé Ntumi en 1998, quand la réalité selon laquelle, les ninjas-nsiloulou ont racketté l’Armée, crève l’œil ? Pourquoi cette question reste d’actualité lorsqu’on sait que le Pasteur Ntumi et ses hommes n’ont pas changé de modus operandi en 2016 ? Qui plus est, « au moment de l’opération de ramassage d’armes et de leur destruction au bûcher à Kinkala en 2007, les ninjas se donnent des consignes strictes de ne restituer que les armes défectueuses et de conserver celles qui sont encore en bon état. A ce propos, lorsque le Général Nkonta Mokono, représentant le Haut-commandement militaire au Comité préparatoire de la concertation citoyenne du Pool, en 2007, apprend la nouvelle de la rétention d’armes par les éléments de Ntumi, il déclare : « ce monsieur n’est pas sérieux. Il nous a promis de remettre toutes les armes, mais dans la pratique, il n’a restitué que celles qui sont foutues ! ». L’affaire était donc grave tandis que la situation très préoccupante. D’autant plus préoccupante que le Pasteur Ntumi fît son entrée sur la place Matsoua, à Kinkala, où l’attendaient les délégations officielles ainsi que le corps apostolique, avec une cohorte de près de 500 ninjas-nsiloulou armés jusqu’aux dents ! C’est tout dire de la détention des armes de guerre par le Pasteur Ntumi, même après l’opération de ramassage d’armes en 2007. Pourquoi les gens font donc semblant d’être surpris que ce dernier soit encore armé aujourd’hui et ait pu faire la guerre contre le pouvoir en 2016, une guerre pendant laquelle, les ninjas-nsiloulou ont continué à racketter le matériel militaire comme jamais ? « Qui ignore, par exemple, que les dynamites ayant permis aux ninjas-nsiloulou de dynamiter les ponts sur le chemin de fer et la voie carrossable, reliant Brazzaville à Pointe-Noire, ont été volées par ces derniers à Kinkala, sur le site de RAZEL, une entreprise de BTP » ?

Le Pasteur Ntumi aurait reçu des armes de la part de Nianga-Mbouala Ngatsé

Pendant que nous y sommes, parlons un tout petit peu des fameuses armes que le Pasteur Ntumi aurait reçu de la part du Général Nianga-Mbouala Ngatsé, en 2016, qui expliqueraient sa complicité avec Sassou. Tout investigateur sérieux sait que s’agissant de ces armes-là, les sources proches du dossier soutiennent qu’elles auraient été livrées au Pasteur Ntumi dans la plateforme arrière d’un petit 4X4 de marque Toyota BJ. Entre nous soit dit, cette infime quantité d’armes est celle qui a permis au Pasteur Ntumi de tenir pendant la dernière guerre du Pool ? Franchement !!! Que représente-t-elle par rapport à la quantité d’armes que les ninjas-nsiloulou avaient déjà en leur possession durant plusieurs années ?        

Comment le Pasteur Ntumi a fait pour s’enrichir

Pour la petite histoire, pendant la guerre de 1998, à l’instar de tous les mouvements armés, celui du Révérend Pasteur Ntumi se constitue une véritable économie de guerre. Certains Commandants ninjas, positionnés tout le long de la frontière avec la RDC, prélèvent une sorte d’impôt à tous ceux qui fuient les combats pour se rendre de l’autre côté de la rive du Fleuve Congo. Des familles entières déboursent parfois jusqu’à 25.000 FCFA l’individu, et, pour les besoins de la cause, une bonne partie de cet  argent  est reversée à Ntumi. Faites le calcul lorsqu’on sait qu’en 1998, des milliers de gens avaient fui la guerre pour se réfugier en République Démocratique du Congo (RDC). En plus, pendant cette période, recommandation stricte était faite par le chef de la rébellion aux ninjas-nsiloulou de lui ramener tout l’argent sur lequel ils tombaient pendant la guerre de 1998. Consigne, bien entendu, non respectée par certains ténors du mouvement. Faut-il rappeler ici que l’une des pommes de discorde entre le Pasteur Ntumi et son plus  grand guerrier de l’époque, Yokoshi (décédé), était le refus de ce dernier de reverser au mouvement, l’argent (en francs français) pillé à l’OMS, en décembre 1998, dans la foulée du raid qui permit aux ninjas-nsiloulou de faire leur come-back à Brazzaville ? 

De plus, dans le cadre des accords de paix et de cessation des hostilités signés avec le gouvernement en 2002, le Pasteur Ntumi a bénéficié de certaines largesses du pouvoir. De 2002 à 2007 (année où il est nommé ministre délégué à la Présidence de la République), il installe de nombreux bouchons à certains endroits de la voie carrossable dans le Pool où chaque véhicule doit payer une sorte de taxe au passage. De même, ledit département étant en proie à l’insécurité, ses éléments participent, contre un peu d’argent (dont une partie lui est reversée), au convoyage de camions des commerçants et des trains du CFCO. En outre, la rébellion dans le département du Pool, hisse le Révérend Pasteur Ntumi au rang des hommes les plus craints en République du Congo-Brazzaville. Pour cela, bon nombre  de puissants l’approchent et lui apportent un soutien matériel et financier. Il en va de même pour certains compatriotes, ceux de la diaspora France et Canada en particulier, qui lui font des dons et des legs. Tout ceci : « a permis au Pasteur Ntumi de se constituer une économie grâce à laquelle il est entré dans  le monde du commerce avec comme activité principale, la vente des planches et du charbon », confie un ancien adepte de Mbundani a Bundu dia Kongo, l’église du Révérend Pasteur Ntumi. 

Ntumi a également bénéficié du traitement de l’Etat en tant que ministre délégué

A ce registre il faut ajouter, les 100 millions de FCFA que  le  Pasteur Ntumi percevait chaque trimestre au Trésor public congolais pour le fonctionnement de la Délégation générale à la promotion des valeurs de paix et  la réparation des séquelles de guerre. Selon un ministre congolais avec lequel nous nous sommes entretenu, « le moindre retard de paiement de cet argent, emmenait le Pasteur Ntumi à décrocher son téléphone pour joindre Madame Mboulou, 1er fondé de pouvoirs au Trésor public, afin que cette dernière le lui paye illico presto ». Tout ceci a permis au Révérend de construire des écoles, des hôpitaux et à investir dans l’agriculture à Mayama.  Il convient de dire à ce sujet, « que le traitement dont jouissait le Pasteur Ntumi de la part de l’État, s’inscrivait dans le cadre d’un partenariat de paix, signé entre anciens belligérants, c’est-à-dire, entre l’ancien Conseil national de la résistance et le gouvernement congolais, et non pas dans celui d’une largesse venant à proprement parler, de Denis Sassou-N’guesso », rassure Stéphane Okanzé Okourou, un facilitateur de la paix dans le département du Pool. De l’avis même d’un de ses anciens collaborateurs, « le Pasteur Ntumi a certes des moyens financiers, mais il est très loin d’être un milliardaire comme l’a souvent allégué l’opinion nationale ». A preuve, raconte cette fois-ci un de ses anciens mécaniciens que nous avons interrogé, « les 4X4 rutilants de marque américaine qu’il possède, Ntumi les achète tous en occasion auprès des sujets libanais et ouest-africains, parfois, au prix dérisoire de 16 millions  de  FCFA le véhicule ».   

Pion du pouvoir ou véritable rebelle ?

Interrogé à maintes reprises par son entourage sur ses liens supposés avec feu le général Yves Motando, chef d’Etat-major en 1998, « Ntumi jure la main sur le cœur, au nom de St Michel Archange, qu’il n’a jamais connu cet officier général  ni n’a jamais eu pour femme une des sœurs de ce dernier, comme le prétend une certaine opinion. La seule évocation de cette affaire, lui fait piquer un soleil », explique un ancien homme de main du Pasteur. A ce propos, l’entourage du chef d’Etat-major général des FAC en 1998 « n’a jamais apprécié l’opinion selon laquelle, la guerre du Pool, en cette année, était un deal entre Sassou et Ntumi pour lequel Yves Motando aurait servi d’intermédiaire », relate un parent de l’officier général décédé. Idem pour l’entourage  d’Ambroise Noumazalay, un autre proche de Sassou, taxé d’avoir été l’élément de liaison entre ce dernier et Ntumi. Ces deux versions des faits n’ayant pas connu de succès, une autre, selon laquelle c’est le Général Bouissamatoko qui avait servi d’entregent entre les deux hommes, a vu le jour. Pathétique !

Lors de l’unique meeting tenu au centre sportif de Makélékélé, par le Conseil National des Républicains (CNR), parti politique du Pasteur Ntumi, peu après le retour de ce dernier dans la capitale, en 2008, le Chef de la rébellion du Pool déclare : « pendant la guerre, quand l’Armée venait bombarder mes sites, je m’y trouvais  avec ma famille, ma mère, mes frères, sœurs et enfants. Faute de nourriture, et pour ne pas mourir de faim, il nous arrivait parfois de ne manger que de l’argile pendant toute une semaine quand nous fuyons les bombardements. Au nom de quelle complicité un homme politique ou un homme de Dieu peut-il accepter de mettre en péril la vie de sa propre famille, surtout celle de ses propres enfants ?». Quelques années plus tard, prenant la parole sur les ondes de Radio Forum, une radio locale émettant du quartier Bacongo, le Pasteur Ntumi se plaint de ce que, depuis qu’il a pris ses fonctions en tant que ministre délégué auprès du Président Sassou-N’guesso, il n’a toujours à faire qu’à ses conseillers, jamais au Chef de l’État lui-même. A dire vrai, tout le long de sa fonction de ministre délégué, le Pasteur Ntumi n’avait jamais obtenu un seul tête-à-tête ou une séance de travail avec le Président Denis Sassou-N’guesso. Pour manifester son mécontentement, il boudait les cérémonies de vœux au Président de la République, signait ses parapheurs et passait le plus clair de son temps à Mayama, loin de Brazzaville. Un éminent membre du gouvernement avec lequel nous nous sommes entretenu a déclaré pour sa part : « nous avions appris lors d’une réunion du comité de crise du Pool, tenu en 2016, que la réhabilitation du plus grand pont que les ninjas-nsiloulou ont détruit sur la voie ferrée, coutera à l’État, en cette période de crise financière, 4 milliards de FCFA ! Pour quel intérêt donc le gouvernement fabriquerait-il Ntumi, alors que nous avons revu le budget de l’État à la baisse et arrêté l’exécution de certains chantiers à travers le pays ? ». Pour mémoire, dans la période de 1998 à 2002, la guerre du Pool coûtait à l’État, environ 450 millions de FCFA chaque jour et empêchait le Congo-Brazzaville à accéder à l’initiative PPTE ainsi qu’à recevoir certains investisseurs étrangers. 

Un proverbe africain renseigne que « lorsque le gibier entier brûle, l’imbécile continue très souvent à penser que ce ne sont que ces poils qui seraient en train de brûler ». Une façon pour nous de conclure en disant : il ne faut jamais se tromper sur la réalité des faits. Sassou n’a pas fabriqué Ntumi, ni en 1998, ni en 2016. Il ne l’a ni enrichi, ni armé. La guerre du Pool n’a jamais été un complot du pouvoir, ni un jeu entre Sassou et Ntumi. Il s’agit d’une guerre meurtrière  et  dévastatrice, qui a véritablement opposé les hommes du Pasteur Ntumi à ceux de Denis Sassou N’guesso, l’Armée à la rébellion, pour laquelle, une solution définitive s’imposait. (Les faits sont Sacrés, le commentaire)

Guy Milex M'BONDZI

Publié dans Congo Brazzaville

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